La digestion des protéines est un processus fondamental qui permet à l’organisme de transformer les protéines alimentaires en peptides et acides aminés, éléments essentiels à la synthèse des protéines corporelles et à de nombreuses fonctions biologiques.
Et contrairement à la croyance populaire : ce n'est pas un simple découpage de toute la molécule de protéine en éléments unitaires que sont les acides aminés. C'est un peu plus complexe que ça, car toutes les protéines ne se retrouvent pas sous forme d'acides aminés et toutes n'ont pas non plus le même effet au final sur notre organisme.
1 Comment se passe la digestion des protéines ? 3 étapes !
La première étape, qu'on pourrait appeler étape 0 est la mastication : elle permet de casser la structure des aliments, de couper les aliments en petits morceaux, pour rendre les chaînes protéiques plus facilement accessibles aux enzymes digestives pour les étapes suivantes.
1.1 Étape 1 : l’estomac
La véritable digestion des protéines commence ensuite dans l’estomac, où l’acidité (HCl) dénature les structures complexes des protéines, les rendant plus accessibles aux enzymes digestives.
La pepsine, principale enzyme protéolytique gastrique, coupe les longues chaînes protéiques en polypeptides plus courts (Matthews et al., 1994; Matthews, 2020; Matthews, 1972).
Donc, durant cette étape, les protéines, qui sont des molécules relativement grandes et complexes, sont coupées en morceaux plus petits. On parle alors de polypeptides, car ça reste un assemblage de nombreux acides aminés. Pour faire simple, c'est une sorte de petite protéine, issue du découpage de la grande protéine initiale.
1.2 Étape 2 de la digestion : l’intestin grêle
En quittant l’estomac, les polypeptides atteignent l’intestin grêle, où ils sont exposés à un ensemble d’enzymes pancréatiques (trypsine, chymotrypsine, élastase, carboxypeptidases).
Ces enzymes hydrolysent les polypeptides en peptides plus courts (oligopeptides, di- et tripeptides) et en acides aminés libres (Marin et al., 2005).
La vitesse et l’efficacité de cette hydrolyse varient selon la source de protéine (animale ou végétale) et la structure des protéines, certaines étant plus résistantes à la digestion.
En sortie, on a donc :
- Des oligopeptides : qui sont une association de 3 à 20 acides aminés (AA)
- Des tripeptides : 3 AA
- Des dipeptides : 2 AA
- Et des acides aminés libres
À noter que, quand on parle d'association, cela ne veut pas dire que pendant le processus digestif le corps va prendre des acides aminés libres pour les combiner entre eux pour fabriquer des polypeptides. Il n’y a aucun processus d’assemblage ici. Ça veut simplement dire que, lors du découpage des molécules de protéines, il va découper des morceaux de différentes tailles dans la chaîne de protéine initiale.
En toute logique, et même si on y reviendra plus tard, on comprend déjà que suivant les protéines en entrée, le découpage sera différent et donc les peptides en résultant en sortie aussi.
1.3 Étape 3 de la digestion : la bordure en brosse
Les enzymes de la bordure en brosse (membrane des entérocytes) poursuivent la dégradation des peptides restants, produisant principalement des di- et tripeptides ainsi que des acides aminés libres (Matthews et al., 1994; Liu et al., 2024; Matthews, 1972).
Les peptides de petite taille (jusqu’à 6 acides aminés) sont particulièrement bien hydrolysés à ce stade.
2 Comment se passe l’assimilation des acides aminés et des peptides ?
L’absorption des acides aminés et des petits peptides se fait au niveau de l’intestin grêle (Rees et al., 1985; Matthews et al., 1994; Matthews, 1972) :
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Acides aminés libres : absorbés par des transporteurs spécifiques à travers la membrane des entérocytes ;
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Di- et tripeptides : absorbés intacts via un transporteur couplé à un proton (H+), puis hydrolysés en acides aminés à l’intérieur de la cellule ou transportés vers le sang ;
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Peptides résistants : certains di- et tripeptides, particulièrement résistants à l’hydrolyse, peuvent passer dans la circulation sanguine sans être dégradés ;
Après absorption, les acides aminés et peptides rejoignent la circulation sanguine, pour être utilisés par l’organisme dans la synthèse protéique, la production d’énergie ou la fabrication d’autres molécules spécifiques (Wu & Watford, 2018).
3 Est-ce que toutes les protéines sont découpées en acides aminés ?
Si vous avez bien lu les éléments au-dessus, vous avez la réponse à la question : non, toutes les protéines ne sont pas entièrement découpées en acides aminés.
Au final :
- Il va aussi rester des peptides, qui sont des assemblages natifs de plusieurs acides aminés ;
- Encore une fois, ce n'est pas le corps qui produit cet assemblage, il faut qu'il soit initialement présent dans la protéine qui est ingérée !
Et donc, dans la mesure où la structure de ces peptides digérés dépend entièrement de la structure des protéines en entrée, chaque type de protéines produira des peptides différents pendant le processus de digestion.
Et donc, bien sûr des effets différents pour notre organisme.
- C'est pour cela qu'il est essentiel d'apporter à notre corps différents types de protéines en fonction de l'effet recherché ;
- Et dans le cadre des protéines pour la croissance musculaire, type whey, il est important de consommer des protéines natives, pour éviter qu'elles soient dénaturées avant même d'arriver dans votre système digestif ! Car, sinon, vous allez avaler des protéines qui sont déjà partiellement détruites, et donc vous priverez votre organisme de la possibilité de récupérer certains peptides spécifiques ;
C’est notamment grâce à ça que les protéines natives sont plus efficaces !
4 Toutes les protéines sont digérées pareil ? Que ce soit whey ou collagène ?
La digestion des protéines et leur impact sur l’organisme dépendent fortement de leur profil en acides aminés (aminogramme), de leur structure et de leur origine (animale ou végétale).
Toutes les protéines n’ont pas le même effet digestif ni la même valeur nutritionnelle. Voici la comparaison entre la whey et le collagène.
Et là aussi, comme vous allez le voir, et contrairement à ce que certains pensent, ces deux types de protéines ne fonctionnent vraiment pas de la même façon !
4.1 Profil en acides aminés et digestibilité
Le profil en acides aminés, c’est-à-dire la proportion d’acides aminés essentiels (EAA) et non essentiels, influence directement la digestibilité et la valeur nutritionnelle d’une protéine.
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Les protéines animales, comme la whey, sont riches en EAA et présentent une digestibilité élevée, ce qui favorise une absorption rapide et une élévation marquée des acides aminés dans le sang après ingestion ;
- À l’inverse, des protéines comme le collagène sont pauvres en certains EAA (notamment la leucine, la méthionine et le tryptophane), ce qui limite leur capacité à stimuler la synthèse protéique musculaire malgré une bonne digestibilité globale (Abrahamse et al., 2016; Li et al., 2024; Zhang et al., 2024) ;
4.2 Vitesse de digestion et libération des acides aminés de ces deux protéines
La structure des protéines influence leur comportement dans le tube digestif.
- La whey est très soluble et ne forme pas de caillot dans l’estomac, ce qui permet une digestion rapide et une libération rapide des acides aminés, en particulier la leucine (qui fait partie des 3 BCAA), qui est essentielle à l’anabolisme musculaire ;
- À l’inverse, la caséine ou le collagène forment des gels ou des caillots, ce qui ralenti la digestion et la libération des acides aminés. Cela se traduit par une élévation plus lente et moins marquée des acides aminés dans le sang.
4.3 Comparaison des effets entre protéines de whey et collagène
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Whey : riche en EAA, particulièrement en leucine, elle est digérée rapidement et provoque un pic élevé d’acides aminés dans le sang, ce qui stimule efficacement la synthèse protéique musculaire ;
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Collagène : pauvre en EAA, riche en glycine, proline et hydroxyproline, il est digéré plus lentement et n’apporte pas suffisamment d’acides aminés essentiels pour soutenir la synthèse musculaire de façon optimale (Abrahamse et al., 2016; Li et al., 2024; Zhang et al., 2024). À l’inverse, elle apporte de grandes quantités d’acides aminés utilisés pour les articulations, la peau …
Donc, vous le voyez, attention au choix de vos protéines : chacune est spécifique en effets et en digestion.
Sources des études :
Rees, R., Grimble, G., & Silk, D. (1985). Protein digestion and amino acid and peptide absorption. Proceedings of the Nutrition Society, 44, 63 - 72.
Marin, J., Agudelo, R., Gauthier, S., Savoie, L., & Pouliot, Y. (2005). In vitro determination of the release kinetics of peptides and free amino acids during the digestion of food proteins.. Journal of AOAC International, 88 3, 935-48.
Matthews, J., D'mello, J., & Krehbiel, C. (1994). Absorption of amino acids and peptides.. **, 127-146.
Liu, T., Wang, Z., Wang, S., Bai, H., & Gong, W. (2024). In vitro gastrointestinal simulated digestion of three plant proteins: determination of digestion rate, free amino acids and peptide contents. Archives of Animal Nutrition, 78, 30 - 44.
Liu, P., Yang, Y., Zhang, Z., Li, W., Li, Z., Wu, D., & Chen, W. (2024). Combined Peptidomics and Metabolomics Analyses to Characterize the Digestion Properties and Activity of Stropharia rugosoannulata Protein–Peptide-Based Materials. Foods, 13.
Matthews, D. (2020). Absorption of Peptides, Amino Acids, and Their Methylated Derivatives. **, 29-46.
Yan, Z., Gui, Y., Wen, C., Olatunji, O., Suttikhana, I., Ashaolu, T., Zhang, X., & Liu, C. (2024). Gastrointestinal digestion of food proteins: Anticancer, antihypertensive, anti-obesity, and immunomodulatory mechanisms of the derived peptides.. Food research international, 189, 114573.
Wu, G., & Watford, M. (2018). Protein.. Advances in nutrition, 9 5, 651-653.
Matthews, D. (1972). Intestinal absorption of amino acids and peptides. Proceedings of the Nutrition Society, 31, 171 - 177.
Abrahamse, E., Verlaan, S., Luiking, Y., Boirie, Y., & Ludwig, T. (2016). Protein type and caloric density of protein supplements modulate postprandial amino acid profile through changes in gastrointestinal behaviour: A randomized trial.. Clinical nutrition, 35 1, 48-58.
Li, Y., Qian, H., Hannachi, K., Fan, M., Wang, L., & , X. (2024). Unveiling the microbiota-mediated impact of different dietary proteins on post-digestive processes: A simulated in vitro approach.. Food research international, 198, 115381.
Zhang, L., Zhou, P., Fan, Y., Huppertz, T., Feng, J., & Huang, J. (2024). Digestive properties of β-CN and α-La in different milk protein ingredients. International Dairy Journal.